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L’automne 2023 est pluvieux. Tous les jours. Incroyable. Après les mois de sécheresse, quel soulagement. Les nappes phréatiques se remplissent plus que je ne lis de livres. Et c’est tant mieux. La météo diluvienne et l’envie de lire vont de pair : même le chat se colle contre moi sous le plaid.

Au menu de novembre : la suite de la rentrée littéraire. Et quelques écarts : des docs et un livre perso. Le bibliothécaire n’a pas toujours envie de lire les livres de la bibliothèque. Quel vilain.

Côté romans, donc, voici la suite.

ROUCHON CHIEN

J’ai attaqué par Le Chien des étoiles, nouveau livre du puissant Dimitri Rouchon-Borie qui m’avait un peu fait du mal avec le précédent, Le démon de la colline aux loups. Où l’on suit l’odyssée de Gio à peine sorti de l’enfance et de l’hôpital, fuyant sans succès la violence des hommes. La poésie et les amours naïves du gitan pour ses deux amis Papillon et Dolores, seront inexorablement salies par la veulerie et la vengeance. Si la langue foisonnante de DRB est toujours aussi maîtrisée, cette richesse a parfois le ventre un peu tendu et l’on pourra frôler l’écœurement. N’en demeurent pas moins un style à part et une vraie envie de bonté. Sans cynisme ni rien. Ça fait du bien.

BAILLY FOUDRE

Vraie découverte et vrai coup de cœur pour mon second roman : La foudre de Pierric Bailly. Les chroniques ultra-contemporaines sont légion dans la littérature du même nom. Et gare à qui s’y colle. Tout a-t-il déjà été dit ? Faut croire que non. Pierric Bailly a sa façon bien à lui de nous enticher de John, berger jurassien, dont la vie bucolique va dérailler gentiment mais surement quand il s’intéressera de trop près à Alexandre. Son ancien camarade de lycée, charismatique militant écolo, a été arrêté pour le meurtre d’un jeune chasseur. Bailly ne frime pas, il y a une honnêteté chez lui qui déteint chez ses personnages et leurs situations. Et c’est certainement dans cette politesse créatrice que l’auteur se démarque de ses petits camarades. Un roman intelligent et bien vu.

PRUDHOMME ENFANT

Peut-être que L’enfant dans le taxi de Sylvain Prudhomme, que j’ai lu à la suite, a-t-il souffert de cette promiscuité. Un non-dit familial surgit lors des obsèques de Malusci le patriarche : ce dernier aurait eu un enfant avec une femme allemande rencontrée juste après la guerre. On ne sait trop pourquoi mais le narrateur (petit fils du bonhomme) se passionne pour l’affaire et décide de partir à la recherche de cet oncle germain mystérieux. Passée cette petite interrogation, je ne cache pas avoir pris du plaisir en lisant ce nouveau Prudhomme. L’auteur a du chien par moment. Mais voilà. Peut-être, oui peut-être, cela m’a-t-il semblé trop écrit, moins naturel que chez Bailly ?

MODIANO DANSEUSE

Un mastodonte (en chaussons) pour continuer : La danseuse, le nouveau Modiano. Ah ! Voilà, j’entends les railleries et je vous vois hausser les épaules. Toujours le même livre ? Ce type a eu le prix Nobel ? Faut croire que rien n’est simple. Moi, Modiano, j’aime. De plus en plus. Et ce dernier roman ne déroge point. Na. Où un narrateur (Modiano himself ?) se souvient avoir gardé le fils taciturne d’une danseuse classique. Tout ça est gentil, et je n’ironise pas : voilà un apprenti écrivain faire la baby-sitter et pourquoi ? Pourquoi pas. Ce sera l’occasion supplémentaire de travailler le souvenir et l’auteur sait s’avouer vaincu car ceux-ci sont de plus en plus enfouis. Mise au point floutée, Modiano n’en dit pas trop (100 pages à tout casser) et merci à lui pour ça. Norbert Czarny, ici, écrit qu’on lit Modiano « comme on rêve ». C’est à la fois cotonneux, incomplet, réécrit au réveil. Et à jamais fuyant. Magnifique.

FABRE LAZARE

Et ce n’est certainement pas un hasard si j’ai pris autant de plaisir avec Gare Saint-Lazare, le nouveau roman de Dominique Fabre. Si j’ai pu lire ici ou là qu’il y avait dans ce livre l’épuisement d’un lieu à la Perrec, beaucoup de choses m’ont plutôt ramené à Modiano. Ou à Eustache. Les souvenirs là encore. Ceux d’un enfant qui attend, arpentant la salle des pas perdus ; du même garçon devenu lycéen prudent, s’approchant, tel le chat vers le chien, d’une jeune gitane brûlante ou d’un type louche vers les consignes. Mais Gare Saint-Lazare restera pour moi le roman poignant de l’amour non réciproque d’un fils pour sa mère.

 

J’ai ensuite lâché un peu les romans pour lire 2-3 docs tout beaux, tout neufs. J’espère pouvoir continuer en décembre – d’autres me tentent beaucoup tout en m’inquiétant un peu (Un endroit inconvénient de Jonathan Littell en premier lieu, sans parler de l’entretien de Nick Cave avec Sean O’Hagan : Foi, espérance et carnage).

JABLONKA GOLDMAN

Pas de Nick Cave, non, mais – accrochez-vous bien : Jean-Jacques Goldman ! Carrément ! Si si, le sociologue désormais reconnu pour ses balades familiales en camping-car ou son épuisement de la masculinité et de ses travers (Laetitia ou la fin des hommes, En camping-car, Un garçon comme vous et moi, etc.) s’attaque à la personnalité-préférée-des-Français. C’est en le lisant qu’on comprend que c’est le sujet parfait pour cet auteur (toutes proportions gardées, et dans un autre style, comme quand Carrère s’amourache de Limonov). Et c’est intéressant de voir à quel point cette vedette monumentale de la pop française a toujours navigué politiquement, socialement, bref, humainement, à contre-courant du star-system et de son époque. Il y a du Goldman partout ces derniers temps : le demi-frère Pierre au cinéma (Le procès Goldman de Cédric Kahn), la fille Caroline qui dézingue l’éducation positive à la radio – lien – et revoilà le grand Jean-Jacques sous la plume de Jablonka. Lui qui n’aspire qu’à la discrétion, c’est raté. Et il faut croire qu’il n’a pas trop apprécié. Pourtant, on sent la sincère admiration de l’auteur, tant pour l’artiste que la personne. Et ça donnerait presque envie de danser un slow sur Puisque tu pars.

MACE RESPIRE

Grand bol d’air pour un si petit livre : Respire de Marielle Macé. L’autrice ouvre les fenêtres et aère nos pensées.  Déclinaison inépuisable d’une époque et d’un monde sous cloche et qui sentent le renfermé (coucou le Covid). On pourrait mâcher l’oxygène qu’on tente de respirer tant les particules remplissent nos atmosphères. Marielle Macé est en colère et ne s’arrêtera pas à la simple allusion pulmonaire de la respiration. Je le confirme : ce livre est plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur. A lire et relire.

NOVA FRAGMENTS

J’ai fini mon mois de novembre avec Fragments d’une montagne de Nicolas Nova. L’auteur arpente les Alpes (principalement en Suisse, en France, en Italie mais aussi en Allemagne) convoquant des auteurs comme Saussure, Elisée Reclus ou Mary Shelley – oui l’autrice de Frankenstein ! Des dizaines de fragments rassemblés pour constater les métamorphoses de nos montagnes. Climat, technologie, tourisme. Et puis inquiétude, fuite en avant, adaptation. Vivre ici nous met aux premières loges d’un changement d’époque. L’anthropologue Nicolas Nova nous le rappelle avec sérieux et astuce : il y glisse même quelques recettes de cuisine ou encore la géolocalisation de ses fourmilières préférées.

MAUPASSANT BELAMI

Mais alors quel écart me suis-je permis ? Bel-Ami de Maupassant. Savez-vous que je le découvre seulement ? A mon âge ? Oui, je sais : quel bibliothécaire en carton je fais. Eh bien quelle claque. Cette langue du XIXe, y’a pas, c’était quand même la classe. Et l’histoire de ce séducteur sans scrupule est édifiante, dingue. Une ascension au mépris de tous (de toutes, surtout – pas très post #metoo notre Bel-Ami). Bref, un petit écart pour un chef d’œuvre. Vous me pardonnerez.


1er décembre : il pleut. Encore et encore. Bon ça suffit maintenant. Noé débarquerait entre l’Oriel et le gymnase Lionel Terray avec son arche et toute la ménagerie que ça ne m’étonnerait même pas. A suivre.

 

Christophe

//// Illustration de couverture extraite du film La Chimère d'Alice Rohrwacher

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